Le grand délire sollersien, c'est parti !

Publié le par La Vipère



Conformément aux craintes médicales que nous exprimions la semaine dernière, la critiquite purrulente commence de frapper. La première à avoir été contaminée par le virus Sollers est la brave Nathalie Crom, dans Télérama, avec un article-symptôme extrêmement inquiétant.

D'emblée, une poussée de Savigneauïte pour commencer l'article :

Comme à chaque fois que paraît un roman de Sollers, il se trouvera forcément ici ou là un esprit grincheux – on peut parier qu'ils seront même un choeur tout entier – pour décréter, péremptoire : mais enfin, ceci n'est pas un roman !

Toujours la même rengaine : Sollers dérange, il n'a que des ennemis, comme toujours ils gueuleront, en faisant courbette devant lui nous hurlons contre les loups, etc. Grotesque. Mais poursuivons :

Effectivement, à qui envisage le roman comme une narration pure et simple, une démonstration tendue comme la corde d'un arc, mieux vaut conseiller d'emblée de passer son chemin. Pour Philippe Sollers, la forme romanesque n'a pas de ces rigidités – elle est un jeu, une mécanique des fluides, un mouvement perpétuel, une dynamique discursive.

Traduction : ce pauvre Sollers n'a même plus la force d'imaginer des intrigues, mais nous devons cacher ça sous des apparences nobles - un peu comme les dirigeants de Corée du Nord s'acharnent à faire croire que Kim Jong-Il n'est pas malade.

Seule contrainte à elle imposée : se situer à l'exact croisement de la poésie et de la pensée. Et il se trouve que c'est là, à ce carrefour très précis, que sont plantés le décor et l'action des Voyageurs du temps. Qui sont-ils, ces fameux voyageurs, qui ont déjoué l'horizontalité prétendument inexorable du temps, et guident en ces pages le narrateur sollersien vers un semblable défi ? Des musiciens, des peintres, des poètes surtout, nommés Rimbaud, Hölderlin, Kafka, Lautréamont, Dante bien sûr, d'autres encore, qui, loin de nous faire entendre leur voix du fin fond des décennies et des siècles, sont nos contemporains, habitent les quatre dimensions du temps, le passé, le présent, le futur et même, ajoute Sollers, « un quatrième terme qui se retrouve tant au début qu'à la fin ».

Où l'on constate combien la critiquite purrulente est ici violente : Nathalie Crom n'identifie même plus le ridicule (citer à tout-va, n'importe comment, pour cacher sa déconfiture sous un vernis d'érudition et de faux compagnonnage avec de grands poètes), et prend les déclarations d'intention incompréhensibles de Sollers pour argent comptant. Eût-il écrit qu'il faut se servir à table "d'un couteau sans lame dont la lame tient dans la main et que l'on renverse en son contraire" qu'elle se fût précipitée chez Guy Degrenne pour acheter le même.


On se promène tour à tour à Paris et à Venise, sur l'île de Ré et au Sichuan. La ronde des citations et des réflexions donne le vertige.


Sollers balance n'importe quoi, comme ça lui vient : du cliché, les pages roses du Larousse, citationsdumonde.com, etc. Et Nathalie Crom appelle ça "le vertige" ! LE VERTIGE ! Mais a-t-elle seulement tort ? Si le vertige est ce qu'on éprouve face au vide, après tout... Et voilà la chute :


De quoi retourne-t-il, en fait, dans cette méditation poétique et politique, en forme de monologue déluré, jouisseur, profond ? De ce qui aimante, depuis toujours, l'attention de Sollers : l'homme, la création qui transcende, intensifie, élève à l'infini l'expérience humaine. Rien que ­cela ? Oui. Mais l'importance de l'enjeu ne justifie nulle pesanteur de la pensée, de l'écriture – elles sont ici radieuses.


Sans commentaire.

Verdict : Mme Crom souffre d'une critiquite purrulente de force majeure, qui laisse à craindre une épidémie grave. Nous conseillons à tout lecteur de se protéger, de se vacciner en lisant les pages 405 à 424 de La Littérature monstre de Pierre Jourde, et de ne croire en rien ni personne (sauf en la Vipère, bien sûr) jusqu'à ce que Les voyageurs du temps aient disparu de la circulation, emportés par le vent - ce qui ne devrait pas prendre très longtemps, qu'on se rassure.
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